Enquêtant sur le patronyme FRUGIER, famille de maréchaux-ferrants de Haute-Vienne (87), notre attention fut forcément retenue par ces deux articles de mai 1843 relatant l’écroulement d’une maison dans la ville de Bellac (87). Trois personnes y ont péri et trois en ont réchappé. La maison était habitée par M. Frugier, vétérinaire.
Qui est cette famille Frugier? Est-elle apparentée à celle à laquelle nous nous sommes intéressés dans les articles précédents? Qui sont les autres victimes? Que sont devenus les rescapés? Notre enquête.
La presse

Retronews Gazette de France, 18 mai 1843, page 3/4 ici ; article repris mot pour mot dans La France, 19 mai 1843 ici
On mande de Bellac (Haute Vienne) : » un affreux accident vient de jeter la consternation dans notre ville. Dans la nuit du 11 au 12, une maison sur la solidité de laquelle on n’avait conçu aucune inquiétude et habitée par M. Frugier, vétérinaire, s’est écroulée tout à coup par la chute d’un mur mitoyen. Trois personnes ont péri sous les décombres. Ce sont M. et Mme Frugier, et Mme Dunoyer, épouse d’un ancien marin. Les secours qui ont été portés promptement ont permis de sauver les autres habitants »
L’article du Constitutionnel, 17 mai 1843; page 2/4 ici apporte des précisions

On écrit de Bellac (Haute-vienne) Dans la nuit du 11 au 12, une maison habitée par M. Frugier, vétérinaire, s’est écroulée tout-à-coup. Trois personnes ont péri : ce sont M. et Mme Frugier et Mme Dunoyer. Les époux Cluzeau, M. Frugier fils et M. Dunoyer, ont été retirés vivant, mais grièvement blessés. Il a fallu plusieurs heures de travail pour retirer des décombres Mme Cluzeaud [sic], dont les pieds étaient engagés, et M. Dunoyer, gisant sous une poutre.
D’après ces deux articles, voici la liste des victimes
Décédés :
- M. Frugier, vétérinaire
- Mme Frugier sa femme
- Mme Dunoyer, épouse d’un ancien marin.
Rescapés mais grièvement blessés :
- M. Frugier fils
- M. Dunoyer (ou Duneyer)
- les époux Cluzeau (ou Cluzeaud)
Dans cet article, je m’intéresse à la famille Frugier : un couple décédé, leur fils grièvement blessé.
Jean Baptiste Frugier et sa femme, le couple décédé dans l’éboulement de la maison
Naissance (1804), fratrie
Jean Baptiste FRUGIER est né le 16 septembre 1804 à Mézières-sur-Issoire (87). Ses parents portent chacun le même patronyme : FRUGIER. Jean FRUGIER et Marie FRUGIER (ou Marie Anne). Sont-ils apparentés, à quel degré ? Je ne sais pas, je n’ai pas encore trouvé. Notons que même département, un peu plus tard, j’ai un mariage entre cousins germains qui ne semble contrarier personne, aucune mention de dispense à l’Etat civil.
Le père de Jean-Baptiste Frugier est successivement : garde forestier, marchand, marchand propriétaire et épicier. Sa mère est fille d’un maréchal ferrant, François FRUGIER. Parce que chez les Frugier, il y a des maréchaux-ferrants à chaque génération. Jean Baptiste Frugier est l’ainé de trois garçons. Il devient maréchal-ferrant, comme son grand-père maternel donc. Pas ses petits frères.

Mariage avec Marie Pigner (1830)
Jean Baptiste Frugier se marie à 25 ans, à Bellac, avec la fille d’un tailleur d’habits de Bellac. Au moment de son mariage, il est maréchal (=maréchal-ferrant) et vit avec ses parents à Mézières-sur-Issoire.
La fille du tailleur d’habits s’appelle Marie PIGNER, elle a 20 ans, elle est lingère. Elle a au moins une grande sœur et un petit frère, Marthe Pigner et Etienne Pigner, on en reparle. Dans les témoins au mariage, côté époux, un maréchal(-ferrand) et un boulanger, non parents. 30 mai 1830, Bellac

Du village de Mézières à la ville de Bellac
Jean Baptiste Frugier, maréchal, originaire de Mézières, s’établit à Bellac après son mariage.
Bellac et Mézières-sur-Issoire, maintenant commune déléguée de Val-d’Issoire, se trouvent en Haute-Vienne (87) une dizaine de kilomètres l’une de l’autre. Mézières est un village, 1400 habitants vers 1830, 800 aujourd’hui. Bellac, 3600 habitants vers 1830 et autant aujourd’hui, est une ville ancienne, fortifications, activité commerciale depuis le 12ème siècle, foires, marchés, Hôtel Dieu, Palais de justice.

Enfants
Jean Baptiste Frugier et Marie Pigner sont donc établis à Bellac. Lui est maréchal-ferrant. Ils vivent d’abord rue de la Chapelle, puis une rue dont je n’arrive pas à déchiffrer le nom.
Des enfants y naissent et y meurent.
Philippe Frugier | 1831 | Maréchal, rue de la Chapelle à Bellac | Blessé dans l’éboulement de la maison à l’âge de 12 ans, décès à 14 ans |
Pierre Frugier | 1833 | Maréchal-ferrant, rue de la Chapelle à Bellac | Décès non retrouvé mais la déclaration de succession des parents en 1843 ne mentionnent que son frère ainé Philippe |
François et Claude Frugier | 1837 | Maréchal-ferrant, rue des Vey[?] à Bellac | Jumeaux. Décès à 2 mois et à 10 mois |
La rue que je n’arrive pas à lire. Rue des Veyrats, peut-être, mais je n’ai pas trace d’existence de cette rue à Bellac


Décès
On l’a vu, Marie Pigner et Jean Baptiste Frugier décèdent la nuit du 11 mai au 12 mai 1843 à Bellac dans l’écroulement de leur maison. L’acte d’Etat civil indique un décès à 2 heures du matin, et et lieu leur maison, rue que je n’arrive pas à lire (rue des Veyrats). Ils ont 32 et 38 ans.


L’acte de décès de la 3ème personne « Mme Dunoyer, femme d’un ancien marin » (presse) figure à la suite dans le registre d’Etat civil, même lieu, même heure : Françoise Brunetaud, 60 ans, native de Bellac, épouse de Philippe Dunoyer, militaire retraité.
Dans son acte de décès, Jean Baptiste Frugier est toujours maréchal-ferrant, alors que la presse le qualifie de vétérinaire.
J’ai évoqué dans un article précédent la convergence entre ces professions : d’une part le maréchal, maréchal-ferrant, maréchal expert, celui qui travaille le fer pour ferrer les chevaux, mais également en prendre soin en pratiquant une médecine empirique ; d’autre part le vétérinaire, reconnu par diplôme à partir du XVIIIè siècle, concurrencé par les maréchaux-ferrants. Le métier de maréchal expert a été étudié dans une thèse de doctorat vétérinaire, ici (pdf).
Marie Pigner, elle, est lingère, comme lors de son mariage 13 ans auparavant.
Philippe Frugier, l’enfant blessé lors de l’écroulement

L’enfant Philippe Frugier est né à Bellac le 21 juillet 1831. Il avait 12 ans au moment de l’écroulement qui couta la vie à ses deux parents. Je pense qu’il était l’unique enfant du couple à ce moment-là, car unique héritier de son père, d’après les tables de succession : AD87 3Q 66 / 7 vue 61/206 17eme ligne (lien)
Suite de notre enquête un autre jour : qu’est devenu Philippe Frugier après décès de ses parents ? La famille Frugier victime de cet accident est-elle apparentée aux Frugier maçons de Haute-Vienne installés à Louin (78), sujets de mes articles du challenge A-Z 2020?